Commentaire d’évangile

Commentaire d’évangile

Dimanche 12 mars 2023

3ème dimanche de carême

L’évangile de ce dimanche nous offre un chef d’œuvre de l’évangile de Saint Jean. Les dialogues très vivants, dans lesquels s’entremêlent les remarques ironiques et l’incompréhension des protagonistes nous tiennent en haleine. On y découvre un itinéraire de foi : Comment devient-on croyant ?

Ou, pour le dire autrement, l’évangéliste met en récit Dieu qui se révèle à chacun d’entre nous. Les dialogues nous font progressivement passer d’une compréhension « mondaine », littérale, à une compréhension croyante.

Nous découvrons la patience infinie de Jésus et son grand respect pour l’itinéraire de cette samaritaine, pour l’itinéraire propre à chacun de nous.

La Samarie est une région schismatique. Les juifs méprisent cette terre, son temple et ses habitants. Ils ne leur adressent pas la parole de peur de devenir impurs, surtout s’ils ont affaire à une femme. Ceci explique la stupéfaction et la réponse ironique de la samaritaine lorsque le juif Jésus, fatigué, lui demande à boire, sollicite son aide. Non seulement il transgresse un interdit religieux, mais aussi sociologique.

L’eau et l’eau vive.

Au v. 10 Jésus ne répond pas à la question posée mais il invite la femme à s’interroger et il renverse les rôles : De quémandeur, il devient le possible donateur d’une « eau vive ». Au v 11 la réponse logique et pertinente de la femme montre qu’elle reste enfermée dans une compréhension matérielle, mais elle pose la question fondamentale de l’origine de « l’eau vive ». Jésus serait-il un homme plus grand que Jacob ?

Aux v. 13-14 la réplique de Jésus ne porte pas sur son identité mais sur la qualité de cette eau : elle désaltère à jamais car «  elle devient source en celui qui la reçoit, et elle jaillit en vie éternelle ». Il passe donc du registre mondain quotidien au registre religieux. Celui qui reçoit cette eau donnée par Jésus accède à la vie éternelle. Alors, la femme ne voit plus en Jésus le voyageur fatigué mais un puissant thaumaturge qui détient une eau extraordinaire, magique : Elle en reste encore à une conception matérielle.

Toutefois, maintenant c’est elle qui demande à boire et désire ce liquide capable d’assouvir sa soif définitivement.

Un désir inassouvi :

Face à cet échec de compréhension, Jésus déplace le dialogue (v. 16-19) et s’intéresse à sa vie. Ses relations conjugales mouvementées sont le signe d’une soif, d’une quête d’accomplissement inassouvie, d’une vie réussie. L’eau vive pourrait combler son aspiration fondamentale : vivre en plénitude. Alors, confrontée à cette révélation, la femme pense au v. 19 que Jésus est un prophète, c’est-à-dire un homme de Dieu capable de répondre à toutes ses questions (v.20-26).

Où adorer ?

A Jérusalem chez les juifs ou sur la montagne des pères ? Quelle est la vraie religion ?

Jésus recadre la question. On doit l’envisager à partir du futur, d’une « heure qui vient » qui est celle de la pleine manifestation de Dieu, de son dévoilement, mettant fin à tout particularisme local, à tout privilège. Le peuple juif, dont fait partie Jésus, a reçu la révélation biblique, l’Ecriture. La venue de « l’heure » ouvre la voie à la véritable adoration.

Pour l’évangéliste qui écrit après Pâques, « l’heure qui vient » est celle de la Passion et de la Résurrection par lesquelles Jésus nous révèle le véritable visage de son Père. Le véritable adorateur est donc celui qui, dans son baptême, vit de l’Esprit divin qui est le véritable Esprit. La vérité (v.25) est la réalité divine manifestée en Jésus.

La foi transcende les religions.

Répondant à la question de la femme, Jésus ne parle pas du lieu, mais de son fondement : Qui doit-on adorer ?

Qui adorer ?

La femme sait qu’un messie doit venir et l’éclairera sur la volonté divine (v. 25) : « C’est lui qui nous fera connaitre toute chose ». Face à son espérance, Jésus se dévoile, donne sa véritable identité : « Je le suis ».

Il est Celui du v.10 qui donne l’eau vive : Cet homme fatigué, quémandeur d’eau est l’envoyé de Dieu.

Il s’est révélé progressivement dans le dialogue avec la femme qui reste sans voix, ne demande plus rien puisque maintenant elle sait. Son cœur est retourné, sa vie complètement bouleversée.

Elle laisse sa cruche, car elle n’est plus dans le registre de l’accomplissement de la corvée quotidienne du v.7.

Elle veut témoigner de sa découverte, partager son expérience avec les gens de la ville : elle aimerait qu’ils découvrent aussi « celui qui lui a dit tout ce qu’elle avait fait ».

Les disciples :

Comme la femme au début du récit, le comportement de Jésus les étonne (v.27). Alors il s’efforce de dissiper tout malentendu : Sa nourriture consiste à faire la volonté du Père (v. 34). « L’heure de la moisson », qui est celle de l’accomplissement de sa mission vient. L’évangéliste fait ici allusion à la mort-résurrection du Christ qui accomplira l’espérance messianique. On peut penser que le semeur est Dieu et le moissonneur Jésus. Le Père et le Fils partagent la même joie dans l’accomplissement de l’œuvre de Salut (v.36).

Après le retour de Jésus vers son Père à Pâques, les disciples seront intégrés à l’œuvre de révélation dont ils ont été les bénéficiaires et deviendront les moissonneurs du v 38. Comme la femme, ils témoigneront de leur foi.

Les samaritains :

La femme devient le premier témoin, la première évangélisatrice, c’est-à-dire le premier apôtre puisque les gens de la ville ont cru ses paroles. Leur foi élémentaire ne peut être approfondie que par une rencontre personnelle avec Jésus qui « demeura deux jours chez eux ». Leur foi ne repose plus sur l’expérience de la femme, mais ils en font eux-mêmes l’expérience.

Ils déclarent que Jésus est « Le Sauveur du monde » : les lieux d’adorations sont dépassés, la foi en Christ est universelle. La Samarie schismatique devient la première communauté croyante, la première communauté chrétienne. « L’adoration du Père en esprit et vérité » s’inscrit dans un projet de dimension universelle.

Cette femme si émouvante nous touche. Sa quête d’eau vive et de vérité ressemble à la nôtre. Dans cet échange de cœur à cœur, Jésus lui révèle l’existence d’une source cachée en elle : la présence de Dieu Esprit et Vérité.

« Aujourd’hui, ne fermons pas notre cœur, mais écoutons la voix du Seigneur »

Texte de Jn 4, 5-42, 3° Dim de carême

05 En ce temps là, Jésus arriva à une ville de Samarie, appelée Sykar, près du terrain que Jacob avait donné à son fils Joseph.

06 Là se trouvait le puits de Jacob. Jésus, fatigué par la route, s’était donc assis près de la source. C’était la sixième heure, environ midi.

07 Arrive une femme de Samarie, qui venait puiser de l’eau. Jésus lui dit : « Donne-moi à boire. »

08 – En effet, ses disciples étaient partis à la ville pour acheter des provisions.

09 La Samaritaine lui dit : « Comment ! Toi, un Juif, tu me demandes à boire, à moi, une Samaritaine ? » – En effet, les Juifs ne fréquentent pas les Samaritains.

10 Jésus lui répondit : « Si tu savais le don de Dieu et qui est celui qui te dit : “Donne-moi à boire”, c’est toi qui lui aurais demandé, et il t’aurait donné de l’eau vive. »

11 Elle lui dit : « Seigneur, tu n’as rien pour puiser, et le puits est profond. D’où as-tu donc cette eau vive ?

12 Serais-tu plus grand que notre père Jacob qui nous a donné ce puits, et qui en a bu lui-même, avec ses fils et ses bêtes ? »

13 Jésus lui répondit : « Quiconque boit de cette eau aura de nouveau soif ;

14 mais celui qui boira de l’eau que moi je lui donnerai n’aura plus jamais soif ; et l’eau que je lui donnerai deviendra en lui une source d’eau jaillissant pour la vie éternelle. »

15 La femme lui dit : « Seigneur, donne-moi de cette eau, que je n’aie plus soif, et que je n’aie plus à venir ici pour puiser. »

16 Jésus lui dit : « Va, appelle ton mari, et reviens. »

17 La femme répliqua : « Je n’ai pas de mari. » Jésus reprit : « Tu as raison de dire que tu n’as pas de mari :

18 des maris, tu en as eu cinq, et celui que tu as maintenant n’est pas ton mari ; là, tu dis vrai. »

19 La femme lui dit : « Seigneur, je vois que tu es un prophète !…

20 Eh bien ! Nos pères ont adoré sur la montagne qui est là, et vous, les Juifs, vous dites que le lieu où il faut adorer est à Jérusalem. »

21 Jésus lui dit : « Femme, crois-moi : l’heure vient où vous n’irez plus ni sur cette montagne ni à Jérusalem pour adorer le Père.

22 Vous, vous adorez ce que vous ne connaissez pas ; nous, nous adorons ce que nous connaissons, car le salut vient des Juifs.

23 Mais l’heure vient – et c’est maintenant – où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et vérité : tels sont les adorateurs que recherche le Père.

24 Dieu est esprit, et ceux qui l’adorent, c’est en esprit et vérité qu’ils doivent l’adorer. »

25 La femme lui dit : « Je sais qu’il vient, le Messie, celui qu’on appelle Christ. Quand il viendra, c’est lui qui nous fera connaître toutes choses. »

26 Jésus lui dit : « Je le suis, moi qui te parle. »

27 À ce moment-là, ses disciples arrivèrent ; ils étaient surpris de le voir parler avec une femme. Pourtant, aucun ne lui dit : « Que cherches-tu ? » ou bien : « Pourquoi parles-tu avec elle ? »

28 La femme, laissant là sa cruche, revint à la ville et dit aux gens :

29 « Venez voir un homme qui m’a dit tout ce que j’ai fait. Ne serait-il pas le Christ ? »

30 Ils sortirent de la ville, et ils se dirigeaient vers lui.

31 Entre-temps, les disciples l’appelaient : « Rabbi, viens manger. »

32 Mais il répondit : « Pour moi, j’ai de quoi manger : c’est une nourriture que vous ne connaissez pas. »

33 Les disciples se disaient entre eux : « Quelqu’un lui aurait-il apporté à manger ? »

34 Jésus leur dit : « Ma nourriture, c’est de faire la volonté de Celui qui m’a envoyé et d’accomplir son œuvre.

35 Ne dites-vous pas : “Encore quatre mois et ce sera la moisson” ? Et moi, je vous dis : Levez les yeux et regardez les champs déjà dorés pour la moisson. Dès maintenant,

36 le moissonneur reçoit son salaire : il récolte du fruit pour la vie éternelle, si bien que le semeur se réjouit en même temps que le moissonneur.

37 Il est bien vrai, le dicton : “L’un sème, l’autre moissonne.”

38 Je vous ai envoyés moissonner ce qui ne vous a coûté aucun effort ; d’autres ont fait l’effort, et vous en avez bénéficié. »

39 Beaucoup de Samaritains de cette ville crurent en Jésus, à cause de la parole de la femme qui rendait ce témoignage : « Il m’a dit tout ce que j’ai fait. »

40 Lorsqu’ils arrivèrent auprès de lui, ils l’invitèrent à demeurer chez eux. Il y demeura deux jours.

41 Ils furent encore beaucoup plus nombreux à croire à cause de sa parole à lui,

42 et ils disaient à la femme : « Ce n’est plus à cause de ce que tu nous as dit que nous croyons : nous-mêmes, nous l’avons entendu, et nous savons que c’est vraiment lui le Sauveur du monde. »