Commentaire d’évangile

Commentaire d’évangile

Dimanche 16 janvier
2ème dimanche du temps ordinaire

Nous connaissons tous cet épisode de Cana qui ouvre le « temps ordinaire » de l’année liturgique. Dans les récits bibliques, l’image des noces signifie la relation aimante et fidèle de Dieu avec l’homme.

Au tout début de la vie publique de Jésus, l’événement inouï relaté par Jean, a lieu au cours d’un curieux mariage à Cana. On ne nous parle pas des héros de la fête, le marié est rapidement évoqué au v.9. Un seul fait retient l’attention de l’évangéliste, le manque de vin si important pour que la noce soit une fête.

Comment interpréter ce parti pris par l’évangéliste ? Comment lire ce récit aujourd’hui ?

Quelques clés pour lire l’évangile de Jean :

les signes : Parmi les nombreux miracles accomplis par Jésus, il n’en retient que sept significatifs de son activité : les « signes » qui signifient et nous renvoient à une réalité invisible. Pour les contemporains de Jésus, la vue des signes (par exemple l’eau changée en vin, la multiplication des pains en Jn. 6, 1-18) aurait dû les conduire à croire en lui, car ces signes manifestent sa Gloire.

La gloire : Elle révèle l’être même du Fils dans sa relation au Père. En lui resplendit, se donne à voir l’être même de Dieu son Père. Le croyant participe à cette révélation de la gloire divine : en Jn. 17, 10 Jésus affirme à propos de son Père et de ses disciples « Tout ce qui est à moi est à toi, et tout ce qui est à toi est à moi, et me voici glorifié en eux »

L’heure : Dans la Bible l’heure marque les étapes décisives de l’action divine. Dans notre évangile, les heures de cette marche vers de la manifestation de la gloire divine sont ponctuées de signes, le septième, celui de la réanimation de Lazare au ch 11, préfigure le signe par excellence : la résurrection, la manifestation du Christ en gloire.

Les personnages :

Marie joue un rôle décisif. La  première, elle s’aperçoit du manque de vin et mobilise ceux qui peuvent intervenir. Elle en informe son fils et s’adresse aux serviteurs « Tout ce qu’il vous dira, faites-le ». Elle lui fait entièrement confiance tout en respectant sa liberté, elle ne lui impose rien. Cette attitude juste, peut être un modèle dans notre façon d’agir et de nous comporter avec les autres. Puis elle disparaît discrètement pour être à nouveau présente au pied de la croix au ch. 19, lorsque Jésus lui dit « Femme voici ton fils » et il dit au disciple « Voici ta mère ». Le disciple est le croyant, celui qui écoute la Parole. Les chrétiens rassemblés en Eglise, sont donc enfants de Marie.

Jésus : On pourrait s’attendre à ce qu’il bénisse les mariés, fasse un geste religieux, spirituel. Non, pleinement humain, il n’agira que pour préserver le caractère joyeux et festif de la noce.

D’abord, il établit une distance dans la réponse faite à sa mère : « Femme ». Ce qualificatif invite à dépasser la seule maternité charnelle pour lui conférer le statut de mère des croyants, qui prendra tout son sens à la croix.

« Mon heure n’est pas encore venue » : Son heure (celle de la glorification) ne peut être fixée que par Dieu son Père. Il n’agit pas sous la pression des circonstances, mais conformément à la volonté de son Père. Au ch. 13 nous apprenons que l’heure décisive, la sixième est celle de la Croix.

Jésus demande tout simplement aux serviteurs de remplir six jarres de pierre. Si elle étaient destinées à de l’eau potable buvable, elles seraient en terre cuite. Les jarres de pierre étaient réservées aux ablutions religieuses rituelles. Dans la Bible le chiffre six symbolise l’imperfection contrairement au chiffre sept considéré comme parfait. L’évangéliste nous suggère que Jésus va susciter une nouvelle réalité appelée à dépasser l’Alliance conclue jadis entre Dieu et son peuple.

Les jarres doivent être remplies jusqu’au bord : « Maintenant» Ce mot répété 2 fois désigne l’heure de l’agir divin, l’heure de l’accomplissement de son oeuvre. Les jarres remplies signifient la surabondance de l’action divine. La fête des noces peut avoir lieu puisqu’on est passé du manque à la plénitude.

Le maitre du repas n’a qu’un rôle de témoin de cette situation étonnante et pense qu’elle découle d’une volonté délibérée du marié « tu as gardé le bon vin jusqu’à maintenant ».

Les serviteurs obéissent. Ils sont les seuls à être au courant de la transformation, mais ne disent rien. Marie qui connaît l’initiateur de l’action se tait aussi.

De l’eau a été rajoutée dans les jarres, et son goût a changé. Jésus n’a fait aucun geste, n’a dit aucune parole particulière. Il n’y a rien à voir, seulement un vin délicieux à goûter. L’évangéliste ne parle pas de miracle mais de « signe ». On n’est pas dans le domaine de la magie. Cette action discrète, secrète, manifeste sa gloire, c’est à dire la vérité de son être qui est présence agissante et rayonnante de Dieu en lui.

Les serviteurs, tout en ne faisant humblement que des actions ordinaires, ont collaboré sans le savoir à l’œuvre divine.

Quelle lecture peut-on faire aujourd’hui ?

Dans la conclusion du v. 11 Jean répète la précision donnée au v.1 : la noce eut lieu en « Galilée ». Des gens de toutes nationalités et de toutes religions se croisent dans cette province très cosmopolite. Ce fut donc « le commencement des signes » accomplis pour tous, pour nous aussi.

L’eau rajoutée à celle des jarres de pierres ne sert plus aux purifications rituelle mais deviendra le vin, symbole du sang du Christ versé pour sceller la nouvelle Alliance, les noces entre Dieu et son peuple.

« Maintenant » répété aux v.8 et 11 est ce temps de l’accomplissement. Nous sommes dans ce temps de croissance et d’accomplissement. C’est aujourd’hui que les serviteurs obéissant à la Parole du Christ, sont appelés à remplir les jarres « jusqu’au bord ».

Marie médiatrice, mère du christ et mère des disciples reste une commanditaire discrète.

Célébrer Cana, c’est entendre la parole qu’elle nous dit : ” Faites tout ce qu’il vous dira ” (Jn 2, 5). Aujourd’hui, quel vin manque à notre humanité, à notre prochain ? Est-ce la justice, la tolérance, l’espérance, l’amour ? Que faire ? Peut-être simplement obéir à son grand commandement : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés » Jn. 15, 11.

Par notre obéissance discrète mais efficace à la parole de Jésus, nous collaborons à la manifestation de sa Gloire. Il fait tout, mais nous donne la joie de puiser l’eau, de nous faire participer aux noces, à la joie des épousailles de Dieu et de l’humanité.

« La gloire de Dieu c’est l’homme vivant ; la vie de l’homme, c’est de contempler Dieu. »

Irénée de Lyon : Adversus Hæreses, livre 4, 20:7

Texte de Jean 2, 1-11

01En ce temps-là, il y eut un mariage à Cana de Galilée. La mère de Jésus était là.

02 Jésus aussi avait été invité au mariage avec ses disciples.

03 Or, on manqua de vin. La mère de Jésus lui dit : « Ils n’ont pas de vin. »

04 Jésus lui répond : « Femme, que me veux-tu ? Mon heure n’est pas encore venue. »

05 Sa mère dit à ceux qui servaient : « Tout ce qu’il vous dira, faites-le. »

06 Or, il y avait là six jarres de pierre pour les purifications rituelles des Juifs ; chacune contenait deux à trois mesures, (c’est-à-dire environ cent litres).

07 Jésus dit à ceux qui servaient : « Remplissez d’eau les jarres. » Et ils les remplirent jusqu’au bord.

08 Il leur dit : « Maintenant, puisez, et portez-en au maître du repas. » Ils lui en portèrent.

09 Et celui-ci goûta l’eau changée en vin. Il ne savait pas d’où venait ce vin, mais ceux qui servaient le savaient bien, eux qui avaient puisé l’eau. Alors le maître du repas appelle le marié

10 et lui dit : « Tout le monde sert le bon vin en premier et, lorsque les gens ont bien bu, on apporte le moins bon. Mais toi, tu as gardé le bon vin jusqu’à maintenant. »

11 Tel fut le commencement des signes que Jésus accomplit. C’était à Cana de Galilée. Il manifesta sa gloire, et ses disciples crurent en lui.