Commentaire d’évangile

Commentaire d’évangile

Dimanche 13 mars
2ème dimanche de carême

L’évangile de dimanche dernier nous présentait Jésus, homme véritable, tenté comme nous tous, mais faisant pleinement confiance à Dieu. Aujourd’hui, saint Luc nous révèle sa véritable identité divine. Que nous apporte cet évangile dans notre cheminement vers Pâques ? Quel sens peut avoir cette vision pour le chrétien aujourd’hui ? Jésus en Lc.9, 19 pose la question de son identité « Qui suis-je ? ». Et pour nous, qui est-il ?

Le lieu et les personnages.

Dans les versets précédents, Jésus annonce à ses disciples qu’il va souffrir, être rejeté, mis à mort et ressuscitera le troisième jour. Ces derniers ne comprendront ses paroles qu’après la résurrection.

Jésus emmène avec lui les trois apôtres qui seront aussi présents dans le jardin de l’agonie à Gethsémani. Il gravit la montagne pour prier. Dans la Bible, on y rencontre Dieu.

Moïse, le grand libérateur du peuple, reçut les tables de la Loi sur le mont Sinaï, et il fut obligé de se voiler la face à son retour pour ne pas éblouir le peuple car son visage reflétait encore la gloire de Dieu.

Elie, le grand prophète, monta sur la montagne de l’Horeb. Lorsque Dieu passa dans le « murmure d’un fin silence » il se voila la face dans son manteau pour écouter sa voix.

Moise disparut sur le mont Nébo : on n’a jamais retrouvé son corps, Elie fut emporté au ciel sur un char de feu. Leur fin semble préfigurer, d’une certaine façon, la résurrection.

La vision.

« Pendant qu’il priait, l’aspect de son visage devint autre ». Cet aspect différent n’exprime pas un changement de nature ou d’identité, il ne s’agit pas d’une métamorphose. Cet aspect autre, est le signe d’une relation juste à Dieu par la prière. La gloire de Dieu se reflète même sur son vêtement devenu éblouissant. On retrouve ce vocabulaire dans des textes apocalyptiques qui dévoilent le monde divin. Dans la Bible, ce vêtement appartient aux créatures célestes. Par exemple, les vieillards et les élus du ciel le portent en Apo. 4,4.

Moïse et Elie, les deux grandes figures de l’Ancienne Alliance conversent avec Jésus : « Ils parlaient de son départ qui allait s’accomplir à Jérusalem ». Ils évoquent la mort du Christ : son départ qui est une sortie du monde (exode). « S’accomplir » signifie que ce projet est conforme à la volonté divine. Ainsi les juifs sont sortis d’Egypte, ont erré dans le désert avant d’entrer en Terre Promise. La présente vision céleste met en évidence que le départ de Jésus n’est pas définitif. L’Ancienne Alliance s’accomplit en Christ.

Comme au jardin de Gethsémani, les disciples sont dans un état second : « accablés de sommeil ; mais restant éveillés ». Ils sont pleinement conscients puisqu’ils résistent au sommeil, mais sont également « sortis » d’eux-mêmes pour être en quelque sorte transportés dans le monde divin. Ils voient Jésus dans sa gloire divine, dans toute sa splendeur.

Ce spectacle qui dévoile l’univers divin est destiné aux disciples. Pierre en est conscient et s’exprime au nom des trois : « il est bon que nous soyons ici ». Il veut faire durer ce moment en dressant trois tentes. Dans la Bible, Dieu est présent dans la Tente de la Rencontre dressée dans le désert (Ex. 25, 8).

« Il ne savait ce qu’il disait » : l’erreur de Pierre est de vouloir rester dans la béatitude céleste. Il n’a pas compris que le lieu de la rencontre de Dieu, le lieu de sa présence c’est Jésus lui-même. Il ne le comprendra qu’après Pâques.

La parole céleste.

«  Une nuée survint et les couvrit de son ombre » : la présence divine se manifeste. La nuée précédait le peuple au désert pour le guider. De même, dans l’épisode de l’Annonciation, la puissance du Très Haut couvrit la Vierge de son ombre. Cette nuée protège l’homme de la vision divine car il ne peut voir Dieu et vivre (Ex. 33,20). C’est pourquoi Pierre Jacques et Jean « furent saisis de frayeur lorsqu’ils y pénétrèrent » Ils ont réellement peur de mourir, mais la nuée les protège, et ils ne peuvent qu’entendre la voix divine :

« Celui-ci est mon Fils, celui que j’ai choisi : écoutez-le » : Jésus est Révélation de Dieu le Père. Pendant son baptême, le ciel s’ouvrit et la voix divine affirma «  Tu es mon fils, moi aujourd’hui je t’ai engendré ». Ici, la voix s’adresse aux disciples, à nous aussi. Nous sommes invités à contempler dans la prière de Jésus sa face tournée vers  le Père. Il est Fils, mais aussi choisi, on doit l’écouter.

Nous l’écoutons vraiment lorsque nous mettons en pratique ses Paroles. La prière quotidienne juive débute ainsi « Ecoute Israël ». Pendant que la voix se fait entendre, il ne reste plus que Jésus seul. L’expérience mystique ne peut qu’être fugace et renvoie très vite à la vie quotidienne, à l’action. Les disciples ne parleront qu’après la venue de l’Esprit de Pentecôte. Transfigurés eux même par la foi en Christ ressuscité, ils annonceront la Bonne Nouvelle.

Croyants baptisés en Christ, nous tous, « reflétons la gloire du Seigneur, nous sommes transfigurés….par le Seigneur, qui est Esprit » (2 Cor. 3,18).

Ce n’est qu’en nous mettant à l’écoute de sa Parole, en mettant le Christ au centre de notre vie que nous pourrons refléter son visage, témoigner. Nous sommes souvent comme Pierre des mal-croyants désireux de rester dans la contemplation. Pierre « ne savait pas ce qu’il disait » : il n’est pas question de s’installer à l’écart du monde et de ses problèmes : le temps presse, écouter le Christ, c’est travailler à notre transfiguration, à la transfiguration de l’humanité entière.

« Aujourd’hui, montons sur la montagne où Jésus resplendira.

Qui tiendra, Seigneur dans ta lumière ? Qui affrontera la croix ?

Aujourd’hui, marchons dans la lumière : Jésus ressuscitera. »

Jean Servel.

Evangile selon Luc 9, 28b-36

28b En ce temps là, Jésus prit avec lui Pierre, Jean et Jacques, et il gravit la montagne pour prier.

29 Pendant qu’il priait, l’aspect de son visage devint autre, et son vêtement devint d’une blancheur éblouissante.

30 Voici que deux hommes s’entretenaient avec lui : c’étaient Moïse et Élie,

31 apparus dans la gloire. Ils parlaient de son départ qui allait s’accomplir à Jérusalem.

32 Pierre et ses compagnons étaient accablés de sommeil ; mais, restant éveillés, ils virent la gloire de Jésus, et les deux hommes à ses côtés.

33 Ces derniers s’éloignaient de lui, quand Pierre dit à Jésus : « Maître, il est bon que nous soyons ici ! Faisons trois tentes : une pour toi, une pour Moïse, et une pour Élie. » Il ne savait pas ce qu’il disait.

34 Pierre n’avait pas fini de parler, qu’une nuée survint et les couvrit de son ombre ; ils furent saisis de frayeur lorsqu’ils y pénétrèrent.

35 Et, de la nuée, une voix se fit entendre : « Celui-ci est mon Fils, celui que j’ai choisi : écoutez-le ! »

36 Et pendant que la voix se faisait entendre, il n’y avait plus que Jésus, seul. Les disciples gardèrent le silence et, en ces jours-là, ils ne rapportèrent à personne rien de ce qu’ils avaient vu.