Commentaire d’évangile

Commentaire d’évangile

Dimanche 27 mars 2022
me dimanche de Carême

Evangile de Jésus-Christ selon saint Luc 15, 1-3, 11-32

« Parabole de l’enfant prodigue » est l’appellation la plus fréquente donnée à l’évangile d’aujourd’hui. Notre lecture va peut-être nous inciter à nous demander : quel titre aimerais-je lui donner ?

Les trois premiers versets du ch. 15 présentent les auditeurs de Jésus : les pécheurs, qui transgressent les lois divines mais font bon accueil à sa parole et les scribes et pharisiens, bons juifs méritants, respectueux de la Loi. Le comportement de Jésus qui entretient de bonnes relations avec les pécheurs les choque et provoque leurs récriminations. Jésus leur répond en racontant trois paraboles : La brebis perdue et retrouvée ; la pièce perdue et retrouvée et la troisième que nous lisons aujourd’hui.

L’introduction de la parabole, V 11 et 12 nous présente les trois personnages qui interviendront tour à tour tout en orientant notre regard vers le plus jeune.

Le fils cadet : v 13-20a

Après avoir demandé à son père la part de fortune qui lui revient, il quitte la maison, part au loin et dissipe sa fortune en vivant en prodigue. Les v. 14 – 16 décrivent les différentes étapes de sa déchéance. Après avoir tout dépensé, une famine le réduit à garder des animaux impurs qui sont mieux nourris que lui. On assiste alors à une conversion ambiguë, v. 17-19. Désargenté, gardien de porcs et le ventre creux, il décide de réintégrer le domicile paternel car « les ouvriers de mon père ont du pain en abondance, et moi, ici, je meurs de faim ». Comment comprendre « Père, j’ai péché » qu’est-ce qui prédomine : l’attachement au père ou l’intérêt personnel ?

Le père et le cadet v 20b-24

Cette scène centrale nous décrit l’initiative du père : « Comme il était encore loin, son père l’aperçut et fut pris de compassion». Il est littéralement « pris aux trippes ». Avant même que le fils n’ait eu le temps d’ouvrir la bouche, il multiplie les gestes d’empressement, d’attachement, de réconciliation. Il fait tout ce qu’il peut, en surabondance pour le réintégrer dans son statut de fils. Lorsque ce dernier peut enfin s’exprimer il déclare «  je ne suis pas digne d’être appelé ton fils ». Le père ne lui répond pas directement, mais s’adresse aux serviteurs au v 24 «  Mon fils que voilà était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu, et il est retrouvé. »

Le fils ainé v 25-28a

Lui aussi était hors de la maison du père il « était aux champs » en fils fidèle qui accomplit son labeur quotidien ; Il s’agit donc d’un jour ordinaire  qui rend encore plus insolites les extravagances du père. La réaction étonnée puis courroucée du fils est compréhensible. L’explication du serviteur « ton frère est arrivé et ton père a tué le veau gras » ne dit rien du point important : la joie du père qui célèbre la reprise d’une relation qui semblait perdue et qui lui causait autant de peine que s’il était mort.

Le père et l’aîné : v 28b-32

Choqué et s’estimant lésé par la conduite injuste du père, « Il y a tant d’années que je suis à ton service sans avoir jamais transgressé tes ordres » à son tour il veut prendre ses distance « Il refusait d’entrer ». Il ne s’estime plus lié à ce frère qu’il nomme « ton fils que voilà ». Mais le père prend les devants comme il le fit avec le cadet, il « sortit le supplier », l’appelle « Mon enfant », terme familier, affectueux pour l’inviter lui aussi à reprendre la relation rompue : «  ton frère qui était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu, il est retrouvé »

Quelle image divine nous découvre cette parabole ?

Nous avons envie de parler d’un Père prodigue. En effet, il n’exclut personne de son amour, le donne totalement, et accorde même la priorité aux pêcheurs. Ce traitement de faveur peut nous paraître injuste, et souvent nous pensons que Dieu est injuste. Le père répond au fils ainé : « Toi, mon enfant, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi » Dieu offre à tous la même chose et ce qui compte, c’est que tous accueillent son amour et participent au même bonheur. Il n’est pas question de calculs ni de justice distributive. Le père intervient à un autre niveau, selon une autre nécessité, celle de l’amour étranger à tout calcul. Le cadet comme l’ainé sont invités à vivre avec le père, à avoir part à tout ce qui est à lui. Dieu veut passionnément que nous vivions, et parce qu’il y tient, il est prêt à aller jusqu’aux conduites prodigues inspirées par sa bonté et son pardon, qui nous paraissent injustes et irrationnelles.

On ne connaît pas la réaction de l’ainé aux paroles du père : soit il adopte vis à vis de son frère la même attitude que son père et en ce cas il aura part à tout ce qui lui appartient, soit il refuse et il ne lui reste plus qu’à partir.

Si on croit en un Dieu de bonté et de pardon, on doit faire preuve de la même bonté et du même pardon. « Soyez miséricordieux, comme le Père est miséricordieux, ne jugez pas et vous ne serez pas jugés » Lc 6, 36. Quand le cadet revient, il reçoit du Père un accueil inconditionnel, sans jugement ni enquête. C’est cette exigence que le fils ainé est appelé à vivre. Nous sommes donc appelés comme le fils ainé à pardonner, comme Dieu pardonne en dehors de toute logique de calcul, avec la joie et le bonheur d’ouvrir une nouvelle vie, un nouvel avenir avec le frère.

« Changez vos coeurs croyez en la bonne nouvelle

Changez de vie croyez que Dieu vous aime

Je ne viens pas pour condamner le monde

Je viens pour que le monde soit sauvé »

J.P. Lécot

Evangile de Luc 15, 1-3, 11-32

01 En ce temps-là, les publicains et les pécheurs venaient tous à Jésus pour l’écouter.

02 Les pharisiens et les scribes récriminaient contre lui : « Cet homme fait bon accueil aux pécheurs, et il mange avec eux ! »

03 Alors Jésus leur dit cette parabole :

11 « Un homme avait deux fils.

12 Le plus jeune dit à son père : “Père, donne-moi la part de fortune qui me revient.” Et le père leur partagea ses biens.

13 Peu de jours après, le plus jeune rassembla tout ce qu’il avait, et partit pour un pays lointain où il dilapida sa fortune en menant une vie de désordre.

14 Il avait tout dépensé, quand une grande famine survint dans ce pays, et il commença à se trouver dans le besoin.

15 Il alla s’engager auprès d’un habitant de ce pays, qui l’envoya dans ses champs garder les porcs.

16 Il aurait bien voulu se remplir le ventre avec les gousses que mangeaient les porcs, mais personne ne lui donnait rien.

17 Alors il rentra en lui-même et se dit : “Combien d’ouvriers de mon père ont du pain en abondance, et moi, ici, je meurs de faim !

18 Je me lèverai, j’irai vers mon père, et je lui dirai : Père, j’ai péché contre le ciel et envers toi.

19 Je ne suis plus digne d’être appelé ton fils. Traite-moi comme l’un de tes ouvriers.”

20 Il se leva et s’en alla vers son père. Comme il était encore loin, son père l’aperçut et fut saisi de compassion ; il courut se jeter à son cou et le couvrit de baisers.

21 Le fils lui dit : “Père, j’ai péché contre le ciel et envers toi. Je ne suis plus digne d’être appelé ton fils.”

22 Mais le père dit à ses serviteurs : “Vite, apportez le plus beau vêtement pour l’habiller, mettez-lui une bague au doigt et des sandales aux pieds,

23 allez chercher le veau gras, tuez-le, mangeons et festoyons,

24 car mon fils que voilà était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu, et il est retrouvé.” Et ils commencèrent à festoyer.

25 Or le fils aîné était aux champs. Quand il revint et fut près de la maison, il entendit la musique et les danses.

26 Appelant un des serviteurs, il s’informa de ce qui se passait.

27 Celui-ci répondit : “Ton frère est arrivé, et ton père a tué le veau gras, parce qu’il a retrouvé ton frère en bonne santé.”

28 Alors le fils aîné se mit en colère, et il refusait d’entrer. Son père sortit le supplier.

29 Mais il répliqua à son père : “Il y a tant d’années que je suis à ton service sans avoir jamais transgressé tes ordres, et jamais tu ne m’as donné un chevreau pour festoyer avec mes amis.

30 Mais, quand ton fils que voilà est revenu après avoir dévoré ton bien avec des prostituées, tu as fait tuer pour lui le veau gras !”

31 Le père répondit : “Toi, mon enfant, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi.

32 Il fallait festoyer et se réjouir ; car ton frère que voilà était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu, et il est retrouvé !” »