Commentaire d’évangile

Commentaire d’évangile

Dimanche 19 juin
Fête du Corps et du Sang du Christ

Evangile selon Saint Luc Ch 9, 11b-17 

Nous célébrons aujourd’hui la fête du Corps et du Sang du Christ. Toute la liturgie comme toute la vie chrétienne s’enracinent dans l’événement pascal de la Passion et de la Résurrection, dans le don de tout son être aux croyants : Jésus est notre nourriture. Saint Luc rapporte que lors du dernier repas de Jésus avec ses disciples, « Il prit du pain et après avoir rendu grâce, il le rompit et le donna à ses disciples en disant : Ceci est mon corps donné pour vous. Faites ceci en mémoire de moi ».

L’évangile de la multiplication des pains annonce déjà l’institution de l’eucharistie par le Christ. Par ailleurs, nous retrouvons le même vocabulaire dans l’évocation post-pascale de la rencontre avec les disciples d’Emmaüs qui préfigure nos rassemblements eucharistiques.

Quel peut être le sens du miracle de la multiplication des pains ?

Dans le V 11 Jésus accomplit sa mission : annoncer le règne de Dieu par la prédication et les guérisons. Il attirait les foules puisque la suite du récit dénombre cinq mille hommes, auxquels nous devons ajouter les femmes et les enfants non mentionnés. Son enseignement et ses actions répondaient à un véritable besoin. Les guérisons sont le signe que le règne de Dieu est déjà là.

Jésus et les douze v. 12 à 15.

« Le jour commençait à baisser » Cet indice chronologique annonce un autre repas vespéral du chapitre 24 : Sur la route d’Emmaüs, deux hommes cheminent avec Christ ressuscité qu’ils n’ont pas reconnu. Lorsque le soir tombe, ils pressent l’inconnu de rester avec eux pour partager leur repas.

Dans notre récit, les douze demandent à Jésus de disperser et renvoyer cette foule, qui doit être fatiguée et affamée. Nourrir une foule est un défi énorme, surtout lorsque l’on ne dispose que de cinq pains et deux poissons. La solution proposée par les apôtres paraît très raisonnable. Patiemment, Jésus va discuter avec eux, les aider à envisager une autre solution, même si elle parait humainement impossible : « Donnez-leur vous-mêmes à manger ». Bien que cet ordre semble inadapté, pleins de bonne volonté, ils proposent d’aller acheter de la nourriture. Jésus ne les laisse pas partir et leur ordonne de rassembler la foule par groupes de cinquante. Les apôtres obéissent, faisant confiance à Jésus sans comprendre. Cette foule disparate devient un peuple organisé. Peut-être avons-nous ici une allusion de l’évangéliste à Moïse au désert (Ex 18, 25) qui structura son peuple en groupes de cinquante avec à leur tête des chefs.

Jésus procure de la nourriture au peuple rassemblé et organisé.

Dans le v 16, central, Seul Jésus agit et prie. Il « prit les cinq pains et les deux poissons » qui constituent la nourriture traditionnelle et basique de ce peuple de pêcheurs.

– Le verbe prendre  est présent dans tous les récits de l’institution de l’eucharistie. Jésus n’agit pas de façon magique, ex nihilo, mais à partir des produits naturels ou fabriqués par les hommes

– « levant les yeux au ciel, il prononça la bénédiction » Bénir est un geste relationnel qui devient effectif dans le regard de Jésus. Il remercie Dieu, le reconnaît être la source de toute nourriture donnée aux hommes. Au cours de nos liturgies dominicales, le prêtre dit « Tu est béni, Dieu de l’univers, toi qui nous donne ce pain, fruit de la terre et du travail des hommes ». Cette reconnaissance est en même temps une prière de Jésus à son père afin de recevoir sa force, comme lors des guérisons. Par exemple, en Marc 5, 30, lorsqu’une femme fut guérie en touchant son vêtement  « Jésus s’aperçut qu’une force était sortie de lui ». Cette force divine permet le miracle.

– Jésus « les rompit » Ce verbe rompre est repris dans tous les récits de la Cène. En effet, la nourriture est faite pour être partagée. Saint Paul fustige la communauté de Corinthe en 1Cor. 11, 21 « car chacun se hâte de prendre son propre repas en sorte que l’un a faim tandis que l’autre est ivre ». Ce point reste très actuel dans notre société du « chacun pour soi ».

– Après avoir rompu les pains, il les donna aux douze. « Donner » est le quatrième verbe eucharistique présent dans tous les récits de la Cène. Il révèle jusqu’où va l’amour de Dieu pour nous, il met en lumière sa folle générosité qui bouleverse toutes nos perspectives humaines. Cinq pains et deux poissons peuvent nourrir et rassasier une foule immense, et il y a même des restes : « douze paniers ».

Réflexions à partir de ce récit :

– Jésus est celui qui « parle du règne de Dieu, guérit ceux qui en avaient besoin » et nourrit la foule. Le pain béni et partagé est proche de la Parole de Dieu. Dans la prière du Notre Père, la demande du « pain quotidien » contraste avec le pain diabolique du récit des Tentations « Ce n’est pas seulement de pain que l’homme vivra, mais de toute parole sortant de la bouche de Dieu » Mt 4, 4. Lorsque Jésus agît, le règne de Dieu est déjà présent.

– On remarque dans ce récit que la foule ne dit rien, ne fait qu’obéir aux injonctions des disciples. Elle n’a aucune réaction après avoir été rassasiée, aucun remerciement, rien. A-t-elle la foi, pourquoi suit-elle Jésus ? à cause de ses pouvoirs miraculeux de guérisseur ? L’important pour Jésus est de combler nos manques qui amoindrissent notre humanité.

– Cette foule ne semble être présente que pour mettre en valeur le dialogue entre Jésus et les douze. En effet, ils sont au centre du récit, exécutent les ordres de Jésus qui semblent irréalisables. Leur confiance en lui les rend capables d’accomplir l’impossible. Lorsque nous nous trouvons dans des situations difficiles et insolubles, l’aide de Dieu permet de trouver une solution.

– Ecouter la Parole, rompre le pain, partager l’Eucharistie dans la foi en Christ signifie se mettre au service des frères, à l’image de Jésus qui nourrit la foule, la guérit. On ne peut partager l’Eucharistie en vérité que si on se met au service de nos frères. Après la scène du lavement des pieds, Jésus dit à ses disciples : « C’est un exemple que je vous ai donné : ce que j’ai fait pour vous, faites-le vous aussi » Jn 13, 15

– Les apôtres préfigurent le « ministère » de l’Eglise à venir. « Donnez-leur vous-mêmes à manger ». Les prêtres sont aujourd’hui les intermédiaires entre Jésus et le peuple rassemblé en Eglise. Ils agissent en son nom  « in persona Christi » quand ils  rompent et donnent le pain eucharistique.

– On peut parler d’une théologie de l’abondance divine ou de la surabondance. Ce récit de miracle surpasse les récits de l’Ancien Testament : Elie en 1 R 17, 10-16 ou Elisée en 2 R 4, 42-44 qui ne nourrit que cent personnes avec vingt pains. Le v 17 précise que tous furent rassasiés. Le surplus ne doit pas être perdu. Les douze corbeilles restantes (une par apôtre) sont destinées à être distribuées à la multitude des absents. Chacun a droit au pain eucharistique qui est pour tous.

– Les cinq pains et deux poissons indiquent notre pauvre mais nécessaire contribution. Christ accueille nos humbles ressources que nous désirons mettre à disposition de nos frères. Le paradoxe de cette multiplication, c’est que Jésus fait tout, mais ne veut rien faire sans passer par les douze.   

Tout faire, comme si tout dépendait de soi, tout attendre, comme si tout dépendait de Dieu ” Saint Ignace de Loyola.

« En mémoire du Seigneur qui nous a rompu le pain, nous serons le pain rompu.

Pour un monde nouveau, pour un monde d’amour… »

Didier Rimaud

Evangile de Luc 9, 11b-17

11b En ce temps-là, Jésus parlait aux foules du règne de Dieu et guérissait ceux qui en avaient besoin.

12 Le jour commençait à baisser. Alors les Douze s’approchèrent de lui et lui dirent : « Renvoie cette foule : qu’ils aillent dans les villages et les campagnes des environs afin d’y loger et de trouver des vivres ; ici nous sommes dans un endroit désert. »

13 Mais il leur dit : « Donnez-leur vous-mêmes à manger. » Ils répondirent : « Nous n’avons pas plus de cinq pains et deux poissons. À moins peut-être d’aller nous-mêmes acheter de la nourriture pour tout ce peuple. »

14 Il y avait environ cinq mille hommes. Jésus dit à ses disciples : « Faites-les asseoir par groupes de cinquante environ. »

15 Ils exécutèrent cette demande et firent asseoir tout le monde.

16 Jésus prit les cinq pains et les deux poissons, et, levant les yeux au ciel, il prononça la bénédiction sur eux, les rompit et les donna à ses disciples pour qu’ils les distribuent à la foule. 17 Ils mangèrent et ils furent tous rassasiés ; puis on ramassa les morceaux qui leur restaient : cela faisait douze paniers.