Ils n’ont plus de vin

Ils n’ont plus de vin

L’évangile des noces de Cana a été choisi ce dimanche au début du « temps ordinaire » parce que, dans l’Evangile de Jean, il est le premier acte public de Jésus.

Dans ce récit, le repas de mariage tourne mal : il n’y a plus de vin.

N’est-ce pas ce que nous vivons aujourd’hui, quand nous sommes presque tous déstabilisés par la pandémie qui n’en finit pas de se terminer, désorganisés par les classes qui ferment, agacés par les gestes barrières contre le virus qui, en définitive, créent de vraies barrières entre nous ?

Quelle est la réaction de Jésus ? Remplissez les jarres avec de l’eau !

Avec l’eau de notre vie ordinaire, l’eau de nos découragements, l’eau de notre tiédeur ou de notre incompréhension face au temps présent.

Me revient alors à l’esprit ce poème de Marie Noël : « Donne », dont voici un extrait :

Mon Dieu, que me voulez-vous ? Je n’ai rien à vous donner.

Depuis notre dernière rencontre, je n’ai rien mis de côté pour vous.
Rien… pas une bonne action. J’étais trop lasse.
Rien… Pas une bonne parole. J’étais trop triste.
Rien que le dégoût de vivre, l’ennui, la stérilité.

  –Donne !

La torpeur de l’âme, le remords de ma mollesse
et la mollesse plus forte que le remords…
  – Donne !

Le besoin d’être heureuse, mes troubles, mes épouvantes, mes doutes…

  – Donne !   

Seigneur ! Voilà que, comme un chiffonnier,

Vous allez ramassant des déchets, des immondices.
Qu’en voulez-vous faire, Seigneur ?

  – Le Royaume des Cieux.

Comment donner au Seigneur cette eau ordinaire de nos vies pour qu’il en fasse le vin de la joie et de son Royaume ?

Donner c’est confier nos « rien » au Seigneur dans la prière, c’est continuer à espérer en Lui ; c’est partager avec d’autres nos pauvretés et nos doutes sans crainte d’être jugés ; c’est ne plus rester les yeux rivés sur nos « rien », mais les accepter, tout simplement, sans fard ni hypocrisie, avec l’assurance que « Tout concourt au bien de ceux qui cherchent Dieu » (Romains 8,28) et que Dieu ne détruit rien. C’est dans et avec le tohu-bohu initial que Dieu a pu, par sa parole, créer la vie. Elle est véridique cette parole de Paul :

« La puissance de Dieu donne toute sa mesure dans la faiblesse » (2 Corinthiens 12,9)